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miss scarlett
23 mars 2011

Grands classiques : Autant en emporte le vent


Autant en emporte le vent reste un monument du cinéma hollywoodien, spectaculaire, épique, légendaire autant dans sa production que par son histoire. A l'heure de sa sortie en Blu-Ray (le 2 décembre), revenons sur cet immense classique, faisant tomber tous les records à sa sortie en 1939, résistant fièrement au temps qui passe et aux innombrables rediffusions. Il est tout simplement l'exemple ultime du genre « épique », étalon auquel seront comparées toutes les romances aventureuses et pleines de souffle (de Out of Africa à Titanic pour les plus réussies). Il instaure une tradition fastueuse et demeure, encore à ce jour, insurpassable et d'une ampleur toujours aussi impressionnante. Il est considéré comme l'un des plus grands films jamais réalisés.
 
A l'origine, il y a un best seller datant de 1936, une fresque littéraire de Margaret Mitchell contant le destin d'une femme, Scarlett O'Hara, se battant dans un sud plongé dans la guerre de Sécession. Le roman a ses outrances, ses redondances même (les multiples grossesses de Scarlett par exemple), mais il est un tel phénomène que le cinéma ne pouvait en ignorer le potentiel. David O'Selznick, producteur, sera ici méticuleux et tout puissant, se consacrant entièrement à ce projet pharaonique. Il fera appel à différents scénaristes pour ramener l'histoire à des dimensions cinématographiquement acceptables. Il remplacera également George Cukor par Victor Fleming (réalisateur d'un autre grand classique, Le Magicien d'Oz).
 
D'aucuns diront qu'Autant en emporte le vent est avant tout l'oeuvre de Selznick et il n'en a laissé le contrôle à personne d'autre.  Il envisagera longtemps Paulette Goddard pour tenir le rôle principal, auditionnant sans relâche toutes les actrices pouvant convenir, avant de jeter son dévolu sur la Britannique Vivien Leigh.

 

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Tout cela commence dans l'insouciance. Une jeune fille un peu peste évolue dans le luxe d'une plantation de coton nommée Tara. Elle a tous les hommes à ses pieds mais entretient un amour sans espoir pour le bel Ashley Wilkes s'apprêtant à épouser sa cousine, l'angélique Mélanie. Elle fait également la rencontre d'un vaurien troublant, Rhett Butler, qui l'agace dès l'abord. Mais bientôt, ce monde va être englouti par la guerre de Sécession qui va déchirer les Etats-Unis et entraîner Scarlett dans sa tourmente, l'incitant à révéler sa vraie nature, faite d'une force de survie absolue, d'une détermination sans failles et d'une absence totale de scrupules.
 

Le monde d'hier

 

Voir en Autant en emporte le vent une simple romance pour jeunes filles rêveuses serait une grossière erreur. Le début survolté est en cela une fausse piste. De l'effervescence superficielle du pique-nique au domaine des Douze chênes ne restera rien. Il en va de même des minauderies agaçantes de Scarlett, belle et gâtée, faisant tourner la tête de tous les galants qui croisent sa route comme un chat qui joue avec ses proies... L'allégresse de ce monde oisif, dont la prospérité se fonde sur l'esclavage (ce que le film et le livre ne critiquent jamais, dont ils portent même la nostalgie), s'apprête à être volatilisée, balayée comme une futilité.
Le seul personnage ancré dans la réalité, c'est Rhett Butler, forceur de blocus, héros controversé et profitant de toutes les occasions pour faire valoir le seul intérêt auquel il croit, le sien. En cela il rejoint l'héroïne dans ce qu'elle deviendra, puisque ce récit est avant tout une célébration de l'individualisme.


Les causes fumeuses qui provoquent les guerres (de l'honneur, des rêves de gloire et de l'arrogance), sont subtilement et assez définitivement écartées comme des lubies assez naïves (la réaction d'allégresse lorsque la guerre éclate et la contrariété de Scarlett offrent un contraste assez fort).
 

Richesse des personnages

 

Car au delà de ses décors monumentaux, recréant l'époque avec faste, la grande force du film, ce sont ses personnages bien marqués et son casting extrêmement judicieux.


Rhett Butler porte le message du film, malicieux et sans beaucoup de morale, il est d'emblée assez complexe, alors que les autres protagonistes (Scarlett comprise), n'ont au début qu'une seule dimension. Margaret Mitchell, de son propre aveu, pensait déjà à Clark Gable en écrivant le roman. Quoiqu'il ait refusé d'adopter l'accent du sud (contrairement à Vivien Leigh), il est en effet le choix idéal.
 
La douce Mélanie est campée par Olivia de Haviland, qui lui confère l'aura qu'elle exige, car elle est une sorte de contraire de Scarlett. Elle incarne une force morale sur laquelle tous se reposent tant son jugement est sûr et désintéressé. Elle est une femme de bien. Son époux, Ashley Wilkes est un aristocrate esthète, idéaliste, humaniste et, ainsi qu'il en convient lui-même, bien éloigné des réalités et de l'âpreté de l'existence (dans les moments les plus rudes, il ne cache pas son impuissance). C'est l'élégant Leslie Howard qui lui prête ses traits. Ils font tous deux partie d'un « monde d'hier » (pour reprendre un beau titre de Stefan Zweig) et sont appelés à disparaître avec tous leurs usages.

 

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De l'autre côté, il y a Scarlett et surtout Mamma (mammy en V.O), campée par l'admirable Hattie McDaniel (première afro-américaine oscarisée pour cette performance). Elle est d'abord un archétype assez pittoresque, celui de la nourrice noire, obligée de se plier aux caprices de l'héroïne. Mais elle devient bien davantage : l'incarnation véritable du bon sens et de l'intelligence face aux pérégrinations de sa maîtresse, suggérant finement le sens de l'observation constant de cette femme et son regard critique. Elle dépasse sa fonction et s'impose comme une figure d'importance, un indéniable soutien aux heures sombres.
 
Enfin il y a Scarlett d'abord évaporée et désinvolte qui va peu à peu s'imposer comme une survivante étonnante, capable de braver toutes les épreuves (qu'il s'agisse d'affronter la désapprobation de la haute société en dansant alors qu'elle est en grand deuil, de fuir une ville ravagée par les flammes, de combattre la faim). Elle se révèle plus complexe qu'on ne l'imaginait de prime abord et gagne sans cesse en épaisseur, au fil des tourments qu'elle doit affronter. Vivien Leigh trouve là le rôle de sa vie (jusqu'à en décliner une sorte de version déchue dans Un Tramway nommé désir).

Se relever quoiqu'il en coûte

 

C'est précisément dans une odyssée que l'héroïne se lance lorsqu'elle décide de rejoindre Atlanta (au mépris des risques) dans le sempiternel espoir de gagner le coeur de Ashley Wilkes. Elle se trouve au coeur des combats et va bientôt en subir les conséquences et les privations. Liée à Mélanie sur laquelle Ashley l'a chargée de veiller, Scarlett voit bientôt affluer une multitude de blessés. Elle prend alors une autre dimension, seconde Mélanie auprès des médecins débordés. On se souvient de ce plan d'ensemble légendaire où elle marche au milieu d'une foule de gisants. Elle va au bout de ses forces et aux limites du soutenable (jusqu'à être spectatrice d'une amputation suggérée en ombre chinoise et des hurlements terrifiants).
 
La blanche colombe et la reine du comté est souillée, les mains dans le sang et la poussière de la guerre.

 

Autant en emporte le vent
 
Laissée seule avec Mélanie enceinte et en mauvaise posture, flanquée d'une gamine noire et terrorisée à son service (dont le portrait caricatural témoigne bien d'un aspect assez ambivalent et vaguement raciste du scénario et du roman), Scarlett doit s'improviser sage-femme, et faire appel à Rhett pour fuir ce lieu qui menace d'exploser. Ce dernier a trouvé refuge chez Belle Watling, femme de mauvaise vie (on retrouve son côté immoral et quasi anarchiste). Il va secourir la belle en détresse, obéissant à son caractère profondément chevaleresque.
 
Et c'est le grand moment de l'incendie d'Atlanta, où l'on brûla les décors du King Kong original pour lui donner l'envergure voulue. Le feu envahit l'écran dans une prise absolument spectaculaire. Et un chapitre dantesque s'ouvre, avec ces couleurs crépusculaires que le film, pionnier du technicolor, exploitait déjà dans son prologue (avec la fameuse tirade de son père à Scarlett sur son attachement à la terre rouge de Tara).

 

La chronique d'une survie et ses différentes nuances

 

L'oeuvre est poétique, pleine de souffle et de solennité (appuyée en cela par la merveilleuse musique de Max Steiner, expressive et émouvante), comme dans ce soir où Scarlett et Rhett s'approchent de Tara, et où il l'incite à donner un baiser à ce soldat qui va partir à la guerre, sur le fond orangé, dans une étreinte devenue légendaire. Les couleurs sont en effet frappantes, douces au début (pastorales et riches, jusque dans les costumes), puis incendiaires et crépusculaires pendant la guerre et les difficultés qu'elle induit...
 
Scarlett revient à un Tara dévasté, presqu'une vision spectrale du monde qu'elle a quitté et qui ne sera plus jamais le même (la mort de sa mère correspond également au deuil qu'elle doit faire de cette splendeur passée). Ruinée, affamée et à terre, l'héroïne se relève dans un serment qui la définit : dans un soir de désespoir, elle jure de ne plus jamais souffrir de la faim, dût-elle être contrainte aux pratiques les plus répréhensibles. Et à force de ruse, d'absence de scrupules, elle prend son destin en main et reconstruit son univers, s'imposant à la tête de sa famille comme une redoutable femme d'affaires. Sa morale est trouble et elle l'assume, ce qui la rapproche d'ailleurs de Rhett et pas de la grande dame qu'elle s'imaginait être. Mélanie devient également plus contrastée, lorsqu'elle devient la complice du meurtre d'un soldat yankee qui menaçait Scarlett et qu'elle a abattu.
 
Un autre chapitre s'ouvre, celui où Scarlett se marie pour l'argent au vieux soupirant de sa soeur, et enfin à Rhett Butler. Après une période de bonheur et de prospérité criarde, survient la mort de leur enfant chéri qui les brise tous deux. L'intérêt de Scarlett pour Ashley ne fait rien pour arranger les choses. Elle s'accroche à lui comme à son passé perdu. Enfin il y a la découverte du plaisir, finement suggéré lors d'une dispute avec Rhett. Ivre de colère, il éveille enfin les sentiments véritables que l'héroïne a pour lui (alors qu'ils sont en conflit permanent pendant une bonne partie de l'histoire). Il y a là une dimension purement sexuelle, il se rend maître de l'insoumise (il est d'ailleurs le seul à en avoir la force). Mais il la quitte pourtant, car leur amour est complexe, fait de trop de souffrances et de malentendus. L'épilogue du film se passe sous le signe du deuil et de la perte, plonge l'héroïne dans la solitude et le désarroi.

 

Autant en emporte le vent
 
A la fin, Scarlett a trouvé enfin la vérité sur ce qu'elle éprouve, poursuivant Rhett Butler dans la brume en lui jurant son amour. Gable lâche son cassant et inoubliable « franchement ma chère, c'est le cadet de mes soucis » (« Frankly, my dear, I don't give a damn »).
 
Autant en emporte le vent est avant tout l'épopée de personnages affrontant une adversité absolue et ce qu'ils font pour s'en sortir. Tous les sentiments y sont douloureux et le film n'a absolument rien d'une bluette sentimentale un peu niaise. Il est souvent bien au contraire extrêmement âpre. C'est l'histoire de cette femme sans cesse frappée par le destin, qui se relève à chaque fois, par delà bien ou mal. C'est ainsi que cette oeuvre est bouleversante, comme une ode à la force d'un être exceptionnel, comme l'histoire d'une prise de conscience. Scarlett O'Hara brille pour l'éternité par son indépendance et sa « passion de la vie ».

 

source: excessif.com


 

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